La Zone N (commencée en 2015) est une série de peintures paysagères qui s'émancipent progressivement (au moins à partir de 2019) de tout élément mimétique dans la composition de la nature. Les tâches de couleur se répandent en aplat et sont entrecoupées par de petits rectangles colorés venant s'y nicher, comme des sortes de corps solides résiduels qui se distinguent encore de la matière picturale brute. Ces mises en scène seraient totalement abstraites, rappelant en cela les taches de couleur rectangulaires s'insérant dans de grandes compositions géométriques d'un Bart van der Leck par exemple, si ce n'était que le titre, La Zone N, renvoie à la notion de zone dans son sens inéluctablement politique.
Il peut s'agir à la fois d'une zone militaire à défendre, une zone interdite, la cible militaire d'une attaque ; d'une zone naturelle à préserver, une zone qui abriterait une biodiversité particulièrement riche, une zone qui contiendrait un patrimoine biologique en voie d'extinction ; enfin d'une zone secrète, renfermant une vérité aussi précieuse qu'inaccessible, aux accents tarkovskiens. La démultiplication de ces zones paysagères en cours de dissolution dans les limbes des traits homogènes de pinceau est une tentative toujours réitérée de préserver la mémoire d'un périmètre symboliquement chargé et qui risque à tout moment d'être anéanti.
Extrait du texte L’inquiétude en peinture de Félix Giloux.