Les tasseaux de bois animés par les tâches de couleur et posés sériellement contre une cimaise jouent un rôle antinomique par rapport aux tiges portatives d'André Cadere. Si ce dernier revendiquait une forme d'art nomade qui pourrait échapper à l'institutionnalisation par le déplacement permanent, Aleksandr Avagyan leur donne au contraire une fonction architectonique de soutènement des murs de l'exposition.
Ainsi ces tiges qui pourtant paraissent si légères et aériennes dans leurs miroitements colorés, sont, similairement aux paysages de l'artiste, symptomatiques d'une même inquiétude politique dans leur rapport au lieu, ici plus spécifiquement dans la prise en compte de la "zone" qui accueille l'art, autrement dit les murs de l'institution elle-même. Que les murs aient besoin d'être maintenus par la métaphore d'un échafaudage, c'est dire à quel point ils sont précaires : en dernière instance une série de normes arbitraires, de codes cérémoniels indiscutables, ineffables, autoproclamés par les artistes.
Extrait du texte L’inquiétude en peinture de Félix Giloux.